Stanislas NTAMBWE

Malaise dans le système bancaire congolais

Une extension de la Biac à Kinshasa
Une extension de la Biac à Kinshasa

Pas un seul siège vide. Bousculade. Depuis des heures, des foules importantes de clients, debout devant les guichets, attendent d’être servis.

Aux aguets, des comptables publics se frottent déjà les mains. Sur les visages, désolation et énervement s’en mêlent. Ce tableau peint partiellement le décor observé depuis près de deux semaines, devant certaines banques commerciales à Kinshasa. Principalement celles qui prennent en charge la paie des salaires mensuels des agents et fonctionnaires de l’Etat.

Les non experts parlent en termes de faillite, évoquant le retard constaté dans la paie effective des salaires du mois d’avril en cours. Alors que leurs comptes ont été crédités depuis le 15 de ce mois.

À malin, malin et demi !

Les clients devant les guichets d'une banque à Kinshasa
Les clients devant les guichets d’une banque à Kinshasa

« Nous n’avons pas de liquidité. Il faut attendre. La situation pourrait être décantée dans l’après-midi », sont là des réponses que des caissiers des banques donnent à leurs clients qui désirent retirer de l’argent. Le plafond pour le retrait est fixé à 500 (pour le dollar américain) 1 million (pour le Franc congolais). Cette politique bancaire, conçue pour essayer de servir tout le monde, n’arrange cependant pas les gros clients qui se sentent bloqués.

Comme pour contourner ces restrictions des banques, certains de leurs clients font la ronde des agences. Ainsi, par exemple, pour retirer 5000$Us, ils se voient obligés de retirer le même montant dans différentes agences, tout en respectant le plafond.

« Si j’avais… », ainsi lâche une dame, visage renfrogné et agent de l’Etat, rencontrée mardi au sortir d’une banque commerciale au centre- ville de la capitale, d’où elle espérait retirer sa prime mensuelle du mois d’avril courant. En colère et bordereau de retrait à la main, un autre agent de service public s’interroge : « comment comprendre que l’accès à mon propre compte bancaire devienne un casse-tête ? ». Ces deux cas sont loin d’être isolés.

Ce spectacle désolant qu’offrent certaines banques commerciales de Kinshasa à leurs clients, risque de freiner cet élan de la culture bancaire. Pourtant le système bancaire en RD Congo a quelque peu mis fin à la thésaurisation. Depuis plus d’une décennie, les Congolais de Kinshasa ont rompu avec la thésaurisation de la monnaie au profit d’une culture bancaire émergente. Ce changement de mentalité est l’une des conséquences positive du boom bancaire observé dans le pays. Principalement à Kinshasa où certaines transactions sont facilitées moyennant une carte bancaire électronique.

Mais, à partir du moment où toutes ces banques perdent la confiance de leurs clients, il y a donc risque de faire marche arrière. La population risque de renouer avec ses anciennes habitudes : garder l’argent à la maison. La situation actuelle des banques requiert donc des mesures urgentes pour freiner la dangereuse allure d’une descente aux enfers que semblent prendre certains établissements de placement. Pour l’instant, plus d’un Congolais a l’œil rivé sur le Gouvernement national. Tout donc. Sauf le retour aux Comptables de l’Etat.


RDC : 20 des 26 provinces contrôlées par la Majorité au pouvoir

Territoriale
Territoriale

Comme on s’y attendait, la Majorité Présidentielle (MP) en RD Congo s’arrache le contrôle des 20 provinces sur les 26 que comprend le pays.

A l’issue de l’élection des gouverneurs tenue, samedi 26 mars 2016, dans les 20 nouvelles provinces issues du découpage territorial, 14 membres candidats de la famille politique du chef de l’Etat sont élus gouverneurs, selon les résultats provisoires de la centrale électorale (CENI). Les cinq autres ont été élus comme indépendants. La publication des résultats définitifs est prévue le 18 avril 2016.

Au Sud-Ubangi, l’élection n’a pas eu lieu suite à l’annulation de l’élection du bureau définitif de l’assemblée provinciale. Les membres du nouveau bureau ont été élus le même samedi. Le gouverneur et le vice-gouverneur seront élus le 1er avril prochain. Alors que dans le Nord-Ubangi, un second tour doit être programmé par la Ceni. Aucun candidat n’a obtenu la majorité requise.

Commissaire spécial/gouverneur

Curieusement, l’élection des candidats de la MP à la tête des nouvelles provinces est perçue comme une sorte de confirmation de ces derniers, dans la mesure où ils étaient nommés, inconstitutionnellement, « Commissaires spéciaux » dans les juridictions où ils sont dorénavant élus gouverneurs de province.

Au Tanganyika issue de l’ex-Katanga, le candidat de G7 Christian Mwando, a reconnu sa défaite face au candidat de la MP,  Richard Ngoy Kitangala. Le malheureux candidat a appelé ses sympathisants au calme:

« La démocratie veut qu’il y ait un gagnant et un perdant. Si les élections étaient au suffrage direct, et si c’est la population qui devait voter, je crois que j’aurais réussi. En tant que démocrate, c’est d’abord d’accepter les résultats. Mais, j’ai été trahi par des députés », a déclaré Christian Mwando.

Corruption ?

Gabriel Kyungu, cadre du G7, accuse le président de l’Assemblée nationale de corruption. « Chaque député a eu au moins 10.000 USD de Minaku hier », a-t-il affirmé vendredi 25 mars. « Heureusement aujourd’hui les gens se sont ressaisis », s’est-il félicoté, soulignant que « nous allons continuer à protester contre la malhonnêteté du pouvoir en place ».

« Les uns ont été convoqués à Kinshasa pour des consignes de vote, d’autres sont en train de recevoir des injonctions dans leurs entités de la part des instances de la MP en déplacement », a déclaré Rostin Manketa, directeur exécutif adjoint de la VSV pour qui cette démarche de la MP est « suicidaire, mettant à mal la cohésion nationale et la démocratie dans toutes les nouvelles provinces ».

« La majorité a utilisé l’argent, elle a utilisé la fibre tribale, elle a utilisé des pressions », a dénoncé la secrétaire générale du Mouvement de libération du Congo (MLC), Eve Bazaïba Masudi.

Le 08 mars 2016, la Voix des Sans Voix pour les Droits de l’Homme (VSV), avait dénoncé des ménaces et intimidations dont étaient victimes les députés provinciaux. Cette Ong de défense des droits de l’homme relevait qu’après la publication, le 28 février 2016, des listes des candidats gouverneurs et vice-gouverneurs de nouvelles provinces, des députés provinciaux de la MP et de l’opposition ont été urgemment convoqués à Kinshasa en vue de recevoir des consignes de vote.

« C’est le résultat d’une politique efficace et d’une campagne menée de façon efficiente. Nous avons jeté notre secrétariat dans la bataille. Nous sommes d’ores et déjà satisfaits de ce résultat qui va nous permettre de mener notre politique sur terrain», s’est réjoui André-Alain Atundu, porte-parole de la MP.

Par ailleurs, les cinq autres provinces ne sont pas concernées par cette élection. Leurs gouverneurs respectifs restent en fonction. Il s’agit de Provinces de Kinshasa, Congo centrale, Nord-Kivu, Sud-Kivu et Maniema. Celles-ci n’ont pas été non plus démembrées. Pourquoi ce deux poids, deux mesures ? Difficile à répondre. Ce qu’il faut noter c’est que, les gouverneurs de ces cinq provinces sont tous de la Majorité présidentielle.

Nouveaux gouverneurs et vice-gouverneurs de province

  1. Bas-Uele:

Gouv.: Kasubu Mbaya Borrey Armand (indépendant)

Vice-gouv.: Mayonga Bare-Kanombe François Berthelemy (indépendant)

  1. Equateur:

Gouv.: Bolamba Tony Cassius (indépendant)

Vice-gouv. : Mme Ntombi Embele Jeannine (indépendante)

  1. Haut-Katanga :

Gouv. : Kazembe Musonda Jean Claude (MP)

Vice-gouv. : Mme Mushitu Kat Mfundu Bijou (MP)

  1. Haut-Lomami :

Gouv.: Mbuyu Kabango Mukolwe Célestin (MP)

Vice-gouv. : Mme Ilunga Nkulu Nene (MP)

  1. Haut-Uele :

Gouv.: Lola Kisanga Jean-Pierre (indépendant)

Vice-gouv. : Mangbukele Mangadima Prosper (indépendant)

  1. Iruri :

Gouv. : Abdallah Pene Mbaka Jefferson (MP)

Vice-gouv. : Keta Upar Pacifique (MP)

  1. Kasaï :

Gouv.: Manyanga Ndambo Marc (MP)

Vice-gouv. : Mbingho N’Vula Hubert (MP)

  1. Kasaï Central :

Gouv.: Kande Mupompa Alex (indépendant)

Vice-gouv. : Milonga Milonga Justin

  1. Kasaï Oriental :

Gouv. : Ngoyi Kasanji Alphonse (MP)

Vice-gouv. : Mutanda Kabuya Jean-Pierre (MP)

  1. Kwango :

Gouv. : Kabula Mavula Larousse (MP)

Vice-gouv. : Kaputu Vita Emery (MP)

  1. Kwilu :

Gouv. : Kinyoka Kabalumuna Godel (MP)

Vice-gouv. : Bulukungu Nera-Kay Nicolas (MP)

  1. Lomami:

Gouv.: Kamanda Tshibangu Muteba Patrice (MP)

Vice-gouv. : Kazadi Ngoy Gabriel (MP)

  1. Lualaba:

Gouv.: Muyej Mangeze Richard (MP)

Vice-gouv. : Mme Masuka Saini Fifi (MP)

  1. Maï-Ndombe :

Gouv.: Ngobila Mbaka Gentiny (MP)

Vice-gouv. : Massamba Malika Antoine-Job (MP)

  1. Mongala :

Gouv.: Essimba Baluwa Bolea Bienvenu (indépendant)

Vice-gouv. : Bokungu Bubu Aimé (indépendant)

  1. Sankuru :

Gouv.: Ulungu Ekunda Lukata Pierre (MP)

Vice-gouv. : Lokadi Otete Opteha Pierre (MP)

  1. Tanganyika :

Gouv.: Ngoy Kitangala Richard (MP)

Vice-gouv. : Ali Bin Omari Simukinje

  1. Tshopo:

Gouv.: Ilongo Tokole Jean (MP)

Vice-gouv. : Basango Makedjo Léon Déhon (MP)

  1. Tshuapa:

Gouv.: Lomboto Lombonge Cypien  (MP)

Vice-gouv. : Ifoku Mputa Mpunga Marie-Josée (MP)

  1. Nord-Ubangi : un second tour devrait être programmé par la Ceni car aucun candidat n’a obtenu la majorité requise. Marie-Thérèse Gerengbo (MP) est arrivée en tête avec 9 voix sur 18, suivi d’André Teddy Kapalata du MCL (8).
  2. Sud-Ubangi : cette élection n’a pas eu lieu au Sud-Ubangi du fait que la Cour d’appel de Mbandaka a annulé vendredi 25 mars 2016 l’élection du bureau définitif de l’Assemblée provinciale du Sud-Ubangi. La Ceni devrait décider du nouveau calendrier de l’élection  du gouverneur.


Drôle de gouvernance !

Territoriale
Territoriale

Cela n’a rien d’un conte de fées. Il s’agit, bien au contraire, d’un mélodrame qui se joue dans le microcosme politique congolais, avec comme metteur en scène la Majorité présidentielle.

Autant elle n’arrête pas de chercher à tourner en bourrique une bonne partie de la population, autant la Majorité présidentielle (MP) s’emploie, par de funestes subterfuges, à repousser à bien plus tard, voire à jamais, les élections présidentielle et législatives de novembre 2016.

Bras séculier du pouvoir, la MP semble avoir habitué certaines strates de l’opinion publique à ses « jongleries », marquées malheureusement sous le sceau de la tricherie et de l’intimidation. Et elle fait des pieds et des mains pour pouvoir s’en tirer à bon compte. Le dernier ballet en date, c’est celui qu’elle vient de faire revivre aux Congolais à travers les élections – à vite oublier – de gouverneurs de province.

La logique mise en avant – logique sortie, il va de soi, des officines de cette plate-forme, est tout ce qu’il y a de plus renversant. Avant-hier « gouverneur de province », hier « commissaire spécial » et aujourd’hui gouverneur « élu » ou de nouveau gouverneur, dans le format de 22 nouvelles provinces, c’est à cet embêtant exercice que « nos (…) mandataires » d’un autre genre ont été soumis dans l’actuelle gouvernance signée MP.

Le moins que l’on puisse dire pour le moment est que le pays s’est fait embarquer dans un drôle de gouvernance politique. Ce qui, à première vue, apparait comme un simple jeu de mots, n’en est pas un. C’est au contraire la partie visible d’une réalité dont la dangerosité ne pourrait être prise à la légère par les bonnes consciences.

Dans tous les cas, les Congolais n’ont aucun bénéfice à tirer d’une gouvernance logée à une enseigne qui a pour nom : tricheries, magouilles, coups bas, bref antivaleurs. A quoi peut-on s’attendre lorsqu’à la Majorité présidentielle on a préféré prendre les antivaleurs pour mode de gouvernance politique ?

Bien évidemment, pas à quelque chose de bon qui puisse faire avancer et consolider la paix, l’unité et la concorde nationales… Le pays en a grandement besoin au lieu de continuer à lui faire perdre son temps notamment dans des forfaitures comme c’est le cas ces derniers temps.

Tout compte fait, les Congolais gagneraient s’ils voyaient les choses dans le sens de la réaffirmation des valeurs de paix et de justice qui fondent la société congolaise.


Goma: le conflit Hutu-Nande s’exporte à l’université!

Bâtiment de l'Université de Goma
Bâtiment de l’Université de Goma

Le conflit entre deux Communautés au Nord-Kivu, dégénère et s’invite dans les milieux estudiantins. Plusieurs bureaux de l’université de Goma ont été brûlés et plusieurs personnes blessées, mardi 22 mars 2016 à Goma, au Nord-Kivu.

« Une centaine de personnes ont fait irruption ce matin au campus de l’Université de Goma. Ces personnes ont brûlé des bureaux dont le mien et blessé des étudiants et quelques membres du personnel académique », a affirmé Dénis Nahayo, président des étudiants de l’université de Goma.

Il ajoute qu’« ils étaient armés des couteaux et des bidons d’essence. Ils ont blessé plusieurs personnes dont un chef de travaux qui est actuellement admis aux soins à l’Hôpital Général ».

La même source précise que les assaillants protestaient contre « l’absence des Nande à la tête de l’université et des instituts supérieurs à Goma. Ils estiment que les hutu prennent le contrôle de l’université au détriment d’autres communautés ». Ceci est tributaire aux récentes nominations du ministère de l’Enseignement supérieur et universitaire dans tous les établissements publics de la République

Acte prémédité ?

Selon nos sources à Goma, un des assaillants a enfermé dans une salle, d’autres étudiants pour y être asphyxiés, après avoir mis le feu. D’autres se sont mis à bruler des archives académiques. Tout semble être planifié. La fumée partout, le feu, la révolte, le sang mais également, la fuite et la peur. L’objectif de ces actes de vandalisme reste un mystère.

Des présumés auteurs des troubles interpellés par la Police
Des présumés auteurs des troubles interpellés par la Police

Cet avec un grand retard que les agents de la Police vient atténuer la tension, en commençant par éteindre le feu, forcer les portes et aider les étudiants enfermés à se sauver. Le Campus du Lac loge dans ses locaux, plusieurs universités et institutions supérieurs. Notamment, l’ISTM, l’ISSNT, l’UNIGOM, l’ISTA, l’ISTOU…

« Nous étions prévenus que ces personnes viendraient ce matin et avons prévenu à notre tour la police, mais rien n’a été fait », se désolé Dénis Nahayo, déplorant plusieurs cas de blessures. D’après Thomas Kubuya, enseignant et autorité académique à l’Université de Goma, le conflit ethnique n’est qu’une partie du problème par rapport à ce qui s’est passé ce matin.

« A côte du conflit entre communautés, il y a depuis quelques temps un conflit ouvert entre les étudiants de l’Institut Supérieur des Techniques Appliquées (ISTA) et d’autres instituts supérieurs », a-t-il relevé. Thomas Kubuya présume que « ce qui s’est passé ce matin, c’est une sorte des représailles des étudiants de l’ISTA sur ceux de l’UNIGOM ».

Tireurs de ficelles

Un étudiant blessé
Un étudiant blessé

Aux dernières nouvelles, des présumés auteurs de ces actes (une quinzaine) ont été interpellés par la Police. Le samedi 19 mars 2016, il y avait également des échauffourées entre les deux camps. « Et aujourd’hui, ceux de l’ISTA sont venus se venger. Tout ceci sur fond des tensions interethniques », a-t-il fait savoir Kubuya.

Il sied de relever que depuis quelques mois, les Communautés Hutu et Nande, dans le territoire de Lubero (Nord-Kivu) se regardent en chiens de faïence. Après des consultations qu’il a entamées en février 2016 à Miriki avec ces deux groupes ethniques, le gouverneur de province, Julien Paluku avait accusé les rebelles des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), d’être à la base des violences observées entre les deux communautés. Cette accusation a été rejetée par les FDLR, alors que la Société civile de Lubero dénonçait des manœuvres politiciennes.

Une accalmie précaire était observée ces derniers jours à Lubero. Mais, semble-t-il, le fond de la question qui divise les deux communautés n’a pas encore été abordé. Ce qui laisse à penser que les violences pouvaient reprendre de plus belle à tout moment.

Pourtant, le vendredi 18 mars 2016, le gouverneur Paluku a déclaré qu’ « à l’issue de la restitution de différentes missions de sensibilisation à la cohabitation pacifique, le constat en général est qu’il n’y a pas de conflit inter ethnique au Nord-Kivu ». Toutefois, il a reconnu qu’ « il y a eu plutôt des tensions qui, si elles n’étaient pas bien gérées, pouvaient dégénérer ».

De son côté, l’opposant Vital Kamerhe, ancien président de l’Assemblée nationale et fils du terroir, a initié et conduit mardi 15 mars, un groupe de leaders influents du grand Kivu, en faisant le tour des institutions à Kinshasa pour rencontrer différentes personnalités. L’objectif était de convaincre tous ceux qui ont une parcelle de pouvoir, comme l’Etat congolais ou la Monusco, de mettre tout en œuvre pour anticiper un conflit latent susceptible de dégénérer en massacres.

Cependant, c’est au Nord-Kivu que Vital Kamerhe et son équipe sont le plus attendus. C’est là où ils doivent réunir leur réserve diplomatique pour amener Nande et Hutu à enterrer la hache de guerre et cohabiter pacifiquement.
La difficulté de la démarche de Kamerhe réside dans le fait que, pour parvenir à une solution durable dans cette région, il faut au préalable identifier les tireurs des ficelles de ce conflit. Or, ceux-ci sont tapis dans l’ombre, ils opèrent incognito. Les démasquer, relève d’une gageure et il faut disposer des moyens institutionnels pour y parvenir.

Nombre de ces tireurs de ficelles sont des personnages peu recommandables qui manipulent aussi les milices locales. Le Nord-Kivu en proie à la cruauté d’une kyrielle de groupes armés étrangers et nationaux. Certaines communautés locales ont leurs propres milices armées jusqu’aux dents.


Reconnu coupable par la CPI, Bemba risque jusqu’à 30 ans d’emprisonnement

Jean-Pierre Bemba à la CPI, le lundi 21 mars 2016
Jean-Pierre Bemba à la CPI, le lundi 21 mars 2016

Jean-Pierre Bemba est reconnu coupable de crimes contre l’humanité et crimes de guerre pour les viols et meurtres commis en Centrafrique, entre 2002 et 2003.

Les juges de la Cour pénale internationale ont affirmé, lundi 21 mars que, l’ancien vice-président de la République démocratique du Congo (RDC), est responsable de crimes contre l’humanité et crimes de guerre pour les viols et meurtres commis par sa milice en Centrafrique, en 2002-2003.

Selon la juge Sylvia Steiner, « Jean-Pierre Bemba agissait de fait en tant que commandant militaire et avait le contrôle effectif de ses troupes en Centrafrique pendant toute la durée de l’opération ». « Il est coupable de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre », ajoute-t-elle.

Toutes les charges ont été retenues contre Jean Pierre Bemba qui avait toujours plaidé non-coupable à l’ouverture de son procès en novembre 2010. Il appartient au juge de décider la peine qui lui sera infligée. Géraldine Mathioli, de Human Rights Watch a déclaré sur VOA Afrique que, « Bemba va rester en détention », arguant que « la peine n’a pas été prononcée car à la CPI, il s’agit d’une audience séparée, d’un processus séparé qui va prendre encore quelques semaines. C’est la même chose pour les réparations ».

30 ans de détention ?

Elle ajoute que « les victimes ont la possibilité de demander réparation lorsqu’une personne est trouvée coupable. Ce processus se fera aussi dans les semaines qui vont suivre à la CPI ». La sentence de Bemba sera prononcée à une date ultérieure par la CPI. Le sénateur congolais risque jusqu’à 30 ans de détention ou la prison à perpétuité, si les juges estiment que l’ « extrême gravité du crime » le justifie.

A Kinshasa, c’est une déception totale pour les militants du MLC pour qui ce verdict était le seul espoir si jamais il tournait en faveur de leur leader. Cependant, c’est « un sentiment de satisfaction parce que le jugement a été rendu à l’unanimité des juges », a confié à VOA Afrique, maître Marie Edith Douzima, l’une des avocates des victimes centrafricaines.

C’était la première affaire à la CPI, qui siège à La Haye, qui se concentrait sur l’utilisation de viols et violences sexuelles en tant qu’armes de guerre et le premier procès où un chef militaire était tenu responsable des atrocités commises par ses hommes même s’il ne les a pas ordonnées. C’est aussi le quatrième jugement pour la CPI, fondée en 2002 pour juger les pires crimes commis à travers le monde et le premier contre un ancien vice-président.

Ancien chef rebelle du nord de la RDC, Jean-Pierre Bemba est poursuivi, non en tant qu’auteur ni co-auteur mais, en tant que « chef militaire », en vertu du principe de la « responsabilité du commandant ».

En octobre 2002, environ 1.500 hommes en armes de l’ancien chef rebelle s’étaient rendus en Centrafrique pour soutenir le président Ange-Félix Patassé, victime d’une tentative de coup d’Etat menée par le général François Bozizé. Là, ses troupes ont « violé, pillé et tué », a expliqué la juge.


CPI : un verdict de tous les enjeux pour J.P Bemba

Le sénateur J.P Bemba à la Haye
Le sénateur J.P Bemba à la Haye

Partira, ne partira pas ? A Kinshasa, la question est sur toutes lèvres qui attendent, ce lundi 21 mars, la sentence de JP Bemba à la CPI.

Toute la ville en parle, surtout ceux qui soutiennent l’ancien Vice-président de la RD Congo, Jean-Pierre Bemba Gombo. Impatients, ils ont tant attendu ce moment. Enfin, le dénouement du procès qui oppose J.P Bemba à la Cour Pénale Internationale (CPI) pour des présumés crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis en Centrafrique, intervient lundi 21 mars 2016.

« Les juges devront prononcer leur arrêt par rapport aux faits de crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui ont été allégué par le Bureau du Procureur », a précisé Me Aimé Kilolo, ancien avocat de Bemba qui n’intervient plus pour avoir été mis en cause dans cette affaire qu’il a conduite comme conseil principal pendant plusieurs années.

Dans l’hypothèse où l’on pourrait s’imaginer d’une décision par laquelle le juge considérerait que le temps que Bemba a passé en détention préventive suffirait à sa remise en liberté, les experts pensent qu’on peut recourir à la jurisprudence, comme dans l’Affaire Matthieu Ngudjolo.

Culpabilité ou acquittement ?

Le sénateur Jean-Pierre Bemba à la Haye.
Le sénateur Jean-Pierre Bemba à la Haye.

Mais qu’à cela ne tienne, en cas de décision favorable dans l’affaire principale, J.P. Bemba devra attendre l’issue de la deuxième, celle de subordination de témoins pour savoir s’il va quitter définitivement ou non la CPI. A en croire Patrick Tshibuyi, chargé de sensibilisation de la CPI en RDC, ce verdict peut prendre deux formes : une décision de « culpabilité » ou d’ « acquittement ». A présent, souligne-t-il, « personne à la CPI, ni les avocats de Bemba ni le Procureur de la CPI, ne connait la décision qui sera rendu par le juge ».

Il sied de relever que, le sénateur J.P. Bemba est poursuivi pour deux affaires. La principale est celle dont le verdict est attendu ce lundi 21 mars. Il porte des allégations sur des crimes commis par ses troupes en République centrafricaine (RCA). Et en cas d’acquittement dans celle-ci, le leader du Mouvement de libération du Congo (MLC) sera encore poursuivi, conjointement avec quatre autres personnes, pour une seconde affaire portant sur atteinte à l’administration de la Justice.

Mais, ayant été remis en liberté provisoire, plus d’une année après leur détention à la CPI, ces autres coaccusés dans cette affaire comparaissent au procès comme libres provisoirement. Alors que Bemba est encore en détention au regard de la seconde affaire. Sera-t-il condamné indéfiniment en détention ? Pas du tout ! Il y a la possibilité, pour chacune des parties en conflit (le procureur et la défense), de faire appel du jugement au regard du statut de Rome de la CPI.

Rien à craindre

La CPI-Kinshasa n’entame en rien le moral des supporters de Jean-Pierre Bemba. On fait observer qu’il avait déjà bénéficié d’une liberté provisoire dans l’affaire de subornation des témoins, avec ces quatre autres coaccusés. Selon le juge à l’origine de cette mise en liberté, la durée de détention préventive devenait plus longue que la peine encourue par les détenus pour ce type d’infractions. Comme quoi, même si le procès d’atteintes d’administration à la justice suit son cours normal, les fans de Bemba n’ont rien à craindre, quoiqu’il arrive.

Le sénateur Bemba est un poids lourd de la politique congolaise. Le verdict de ce lundi retient l’attention des médias congolais et étrangers. Dans un contexte marqué par des divergences sur la meilleure façon de relancer le processus électoral en RDC, la sortie de prison de Bemba est perçue comme une aubaine pour l’Opposition, obligée de tisser des alliances pour l’emporter aux prochaines élections.

A Kinshasa, sa base et son parti ont décrété depuis vendredi, trois jours de prière pour un verdict équitable en faveur de leur leader. Détenu à la CPI depuis 2008, le procès de Bemba s’est ouvert en novembre 2010. Les crimes pour lesquels il est poursuivi auraient été commis par ses troupes en Centrafrique. À la tête d’une rébellion (MLC) à l’époque, J.P Bemba avait envoyé ses miliciens combattre la rébellion qui menaçait le président centrafricain d’alors, Ange-Félix Patassé.


RDC: Dr. Mukwege du bloc opératoire à la politique ?

Dr. Dénis Mukwege
Dr. Dénis Mukwege

Le réparateur des femmes considère que les résultats au bloc opératoire n’arrêtent pas les atrocités contre les femmes en RDC. Son discours critique devient politique.

« L’homme qui répare les femmes » est arrivé à Kinshasa le week-end dernier, sur invitation de l’Institut français pour présenter deux films qui lui ont été consacrés. Notamment, « L’homme qui répare les femmes : La Colère d’Hippocrate », un documentaire réalisé par Thierry Michel et Colette Braeckman sur le travail de Mukwege.

D’aucuns voient de mauvais œil cette action de Denis Mukwege et pensent que ce dernier veut jeter sa blouse blanche pour des ambitions hautement politiques. Mais, pour un Mukwege qui dit être le « porte-voix » des femmes, « un homme est libre d’émettre ses opinions ».
Ambitions politiques ?
Toutefois, sans lui prêter des intentions, il sied de se focaliser sur l’humanisme de ce gynécologue de renom, au-delà de toute ambition purement politicienne. « Tout homme est politique. Mais, tout homme n’est pas politicien », croit-il savoir, estimant qu’en tant que citoyen, il se doit de défendre la Cité.
Il faut aussi avouer que la situation de la femme et de l’enfant préoccupe au plus haut niveau, le gynécologue Mukwege qui voit au quotidien, des femmes et des filles violemment abusées, venir solliciter ses services à l’hôpital de Panzi au Sud-Kivu. Surtout, lorsque les auteurs des crimes ne sont pas poursuivis. « En temps de paix, ces femmes sont capables de travailler pour elles-mêmes. Mais en temps de guerre, malheureusement, elles sont ciblées », déplore-t-il.
« Je crois qu’on ne peut pas continuer à traiter les conséquences, il faut s’attaquer aux causes », a estimé Denis Mukwege qui considère que la cause, « ce sont les conflits perpétuels en RDC». D’après lui, l’une des solutions à ce problème « c’est le respect de la constitution qui entraînera l’alternance pacifique ».
Mais, comment expliquer qu’un médecin quitte le bloc opératoire pour parler du respect de la Constitution, discours incontournable de l’opposition ?
Paix et Justice
« Quand vous opérez une femme pour la deuxième ou la troisième fois, je ne sais pas si vous pouvez être convaincu que vous êtes en train d’appliquer une meilleure stratégie », explique le réparateur des femmes.
« Quand je leur pose la question à propos de leur souhait, poursuit-il, elles souhaitent la paix et la justice ». Avant de souligner que « les résultats au bloc opératoire ne sont plus suffisants pour arrêter les atrocités qui sont commises sur les femmes et les enfants ».
Pourtant, on sait que « Paix et Justice » sont deux concepts et valeurs susceptibles de favoriser un environnement propice où des conflits armés et l’impunité ne font pas la loi. Cependant, pour que ces valeurs soient effectives, il faut l’instauration de l’autorité de l’Etat et de la stabilité dans les coins et recoins du territoire national.
Cependant, le contexte politique actuel de la RDC est éloigné de la démocratie et l’alternance démocratique au pouvoir qui constituent le prix à payer pour une Justice et une Paix durable dans le pays. « Si on n’a pas une alternance politique, chacun viendra avec ses principes et ce sera une perturbation et une insécurité générales. Dans ces conditions, il n’y aura pas de développement », selon Dr. Mukwege.
Et, « on ne peut pas parler du développement dans la confusion et si la Constitution n’est pas respectée », croit-il savoir. De son point de vue, 2016 doit être « une année qui garantit aux femmes la sécurité et la paix », condition nécessaire pour leur développement.
En plus, nous devons tous amener notre pierre pour que 2017 soit une « année d’espoir pour tout le peuple congolais. Car, on a beaucoup parlé de viol, de guerre, de destruction », estime-t-il.
Le docteur Dénis Mukwege a été plusieurs fois décoré à l’étranger pour son travail en faveur de la femme. Il interpelle régulièrement les dirigeants congolais, tout en dénonçant l’impunité dont jouissent les auteurs des violences sexuelles.


Investir dans la région des grands Lacs, une illusion?

Le S.G. de l'ONU, devant les participants à la Conférence
Le S.G. de l’ONU, devant les participants à la Conférence

Kinshasa a accueilli, du 24 au 25 février, la conférence sur les investissements du secteur privé dans la région des grands Lacs.

Comment investir dans les grands Lacs, alors que la région connaît des tensions et conflits ? Ban Ki Moon fait un plaidoyer auprès des investisseurs et des politiques. Kinshasa a accueilli, du 24 au 25 février, la conférence sur les investissements du secteur privé dans la région des grands Lacs. Ce Forum organisé par le bureau de l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations-Unies pour la région des grands Lacs, a connu la participation du patron de l’ONU, Ban Ki-Moon.
Cinq pays forment la région des grands Lacs : la RD Congo, le Burundi, le Rwanda, le Soudan du sud, l’Ouganda et la Tanzanie. Les quatre premiers, sont des pays où on enregistre le plus de cas de violence.

Mais, comment l’ONU compte-elle s’y prendre pour que les populations de la région jouissent des retombées de ses efforts ? Pour Ban Ki-Moon, « cette conférence constitue une initiative très importante, particulièrement opportune » et le fait que la RDC ait organisé ces assises pour attirer des investissements étrangers, est « essentiel pour le développement durable de ce pays », a-t-il déclaré à la presse, à la fin de sa visite.
Il note que la RDC a fait des progrès socio-économiques importants. Mais, souligne-t-il, « il y a des sujets de préoccupation en matière de sécurité et de paix, surtout dans la partie est du pays. »

Accord-cadre pour la paix

Pour parvenir à la sécurité et une paix durable, il est important, selon Ban Ki-Moon, que les dirigeants de la région se réunissent et commencent à travailler sur l’ « accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération » en RDC et dans la région des grand Lacs signé, le 24 février 2013, à Addis-Ababa en Ethiopie. Dans cet « accord-espoir », tous les pays signataires se sont engagés, entre autres, à : «Ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures des pays voisins ; ne pas tolérer ni fournir une assistance quelconque à des groupes armés ; respecter la souveraineté et l’intégrité des Etats voisins ; renforcer la coopération régionale, à travers l’approfondissement de l’intégration économique avec une attention particulière accordée à la question de l’exploitation des ressources naturelles ; faciliter l’administration de la Justice, grâce à la coopération judiciaire dans la région ».

Trois ans après sa signature, l’accord souffre dans sa mise en application par les uns et les autres. Les ressources naturelles dont regorge la RDC, attirent la convoitise de ses voisins. Mais, le secrétaire général de l’ONU ajoute que le pays a également « des ressources humaines compétentes et éduquées ».

S’attaquer aux causes profondes

Ban Ki-Moon a encouragé les dirigeants des grands Lacs à « créer un environnement favorable à la croissance économique, permettant aux populations de réaliser leur potentiel ». Il connaît, non seulement la région, mais aussi, ses habitants qui travaillent dur. « La succession des conflits et des souffrances les a empêchés de réaliser leur potentiel », a-t-il relevé.

Par ailleurs, le diplomate onusien a rappelé la nécessité d’une «bonne gouvernance et d’un état de droit» afin que «les populations de la Région soient en bonne santé, éduquées et dynamiques». Il a fait un plaidoyer en faveur de tous, afin qu’ils exercent des emplois «décents». Aux dirigeants du secteur privé africain, il a déclaré que les populations de la région comptaient sur eux « pour contribuer pleinement à l’objectif de transformer la région». Quant aux partenaires de développement, il leur a demandé de « renforcer les capacités productives des pays de la région et d’aider à changer la nature des exportations afin de passer à des exportations à valeur ajoutée». En outre, sans l’environnement favorable, les investissements du secteur privé dans cette région ne seraient qu’une illusion.


Greenpeace accuse le groupe Bolloré de menacer les forêts africaines

Exploitation illégale de bois en RDC dans la forêt équatoriale
Exploitation illégale de bois en RDC dans la forêt équatoriale

Greenpeace publie « Menaces sur les forêts africaines », une enquête sur les plantations de la Socfin, détenue à 38,75% par le groupe Bolloré.

L’Ong internationale Greenpeace-France a publié, mardi 23 février 2016, à Amsterdam (Pays-Bas), un rapport sur les investissements du groupe Bolloré dans des plantations africaines. Greenpeace interpelle son PDG, Vincent Bolloré et l’exhorte à s’engager « immédiatement contre la déforestation ».

Par la même occasion, cette Ong a lancé, dans le cadre de sa campagne « Zéro Déforestation », une pétition demandant à l’homme d’affaires Breton, d’« user de son influence pour que la Société financière des caoutchoucs (Socfin) et le groupe Bolloré rendent publique, une politique de plantation zéro déforestation, crédible et respectueuse des droits des communautés locales couvrant l’ensemble de ses investissements dans le secteur ».

Le lancement de cette campagne a donné lieu à une première mobilisation des militants de Greenpeace-France autour d’un support original, les « autolib », chères à Vincent Bolloré. « Plus de 300 véhicules ont été décorés dans la nuit de lundi à mardi ».

Vincent Bolloré interpellé

Le jeudi 25 février 2016, à Amsterdam, une quinzaine de militants de Greenpeace-France ont déployé une banderole de 100 mètres carrés devant le siège du groupe Bolloré à Puteaux pour interpeller son PDG.

« Bolloré : dur en affaires, pas tendre avec les forêts », ainsi pouvait-on lire sur la banderole. Ce, pour signifier que le groupe Bolloré détient « 38,75% de la Socfin qui gère 185 000 hectares de plantations de palmiers à huile et d’hévéas en Afrique et en Asie du Sud-Est », l’Ong britannique.

Or, affirme Greenpeace, « contrairement aux plus importantes entreprises de plantations, la Socfin n’a pas de politique visant à prévenir la déforestation dans ses projets ».

« Notre objectif est que les forêts africaines ne connaissent pas le sort des forêts indonésiennes et malaisiennes. Les investisseurs doivent s’engager dès aujourd’hui à adopter des politiques zéro déforestation et le Groupe Bolloré ne peut pas se dédouaner de sa responsabilité à l’égard des pratiques de la Socfin », a insisté Cécile Leuba, chargée de campagne pour Greenpeace-France.

Menace sur le climat

Selon Greenpeace, les projets d’expansion des plantations de la Socfin dans une dizaine de pays, majoritairement africains, « menacent des forêts denses et écosystèmes » indispensables à la préservation des équilibres climatiques, à la sauvegarde de la biodiversité ainsi qu’au maintien des conditions de vie des populations locales.

Les plantations de palmiers à huile et d’hévéas constituent l’un des principaux moteurs de la déforestation. L’Afrique ne représente encore qu’un faible pourcentage de la production d’huile de palme ou de caoutchouc au niveau mondial, mais, on assiste actuellement à une véritable ruée sur les forêts africaines.

Au premier rang des planteurs en Afrique, la Socfin. Présente depuis plus d’un siècle sur le continent, ses principaux actionnaires sont le groupe Bolloré et l’homme d’affaires belge, Hubert Fabri (via des participations directes ou indirectes).

De nouvelles investigations de Greenpeace-France en République démocratique du Congo (RDC) et à Sao Tomé-et-Principe, démontrent que les concessions de la Socfin incluent des forêts primaires, mais aussi des forêts secondaires ou en régénération qui stockent d’importantes quantités de carbone. La Socfin serait également impliquée dans de nombreux conflits avec les communautés riveraines.

« Nous avons constaté que certaines concessions jouxtent des écosystèmes uniques comme à Sao Tomé où les plantations de la Socfin s’étendent au sein de la zone tampon d’un Parc naturel national abritant une biodiversité remarquable », souligne Cécile Leuba.

A Sao Tomé, les analyses réalisées par Greenpeace montrent que l’ensemble du carbone stocké dans les zones déboisées par Agripalma, la filiale de la Socfin, s’élevait à « plus de 600 000 tonnes d’équivalent CO2 ». C’est l’équivalent des émissions annuelles d’une petite centrale à charbon.

 


RDC: l’indifférence du pouvoir étonne

Le professeur André Mbata brandit la Constitution de la RDC
Le professeur André Mbata brandit la Constitution de la RDC

« La vérité est têtue ». Sinon, qu’est-ce qui peut vraiment justifier le silence, plutôt assourdissant, de la classe dirigeante à l’occasion du dixième anniversaire de la Constitution de la République ?

À peine une décennie (18 février 2006-18 février 2016), la loi suprême de la République est orpheline. Aucune déclaration officielle n’a été faite pour célébrer la Constitution votée massivement par le peuple congolais. A la place du peuple congolais, les chefs des Missions diplomatiques accrédités en RDC sont montés au créneau pour célébrer les dix ans de la Constitution congolaise.

« La constitution est le fruit de longues négociations et de compromis entre un large éventail de parties prenantes congolaises, puis endossée par une forte majorité de la population dans un élan d’expression de volonté nationale, et promulguée par le Président de la République », indique-t-ils dans un communiqué, publié jeudi 18 février 2016.

Les Ambassadeurs Michel Lastschenko de la Belgique, Ginette Martin du Canada, James Swan des États-Unis et Graham Zebedee du Royaume-Uni, tous accrédités en RDC, considèrent que la Constitution est un « texte visionnaire » qui consacre le souhait des congolais d’être gouvernés « selon les normes démocratiques après avoir souffert des décennies sous un régime de parti unique, décennies qui se sont terminées par une période de grande turbulence politique et de conflits violents ».

« Expression intemporelle des valeurs »

« Nous félicitons le peuple congolais pour le 10ème anniversaire de la promulgation de la Constitution fondée sur un consensus national et l’expression intemporelle des valeurs communes d’un peuple », ont-ils déclaré dans leur document signé conjointement.

« Nous partageons l’espoir des congolais tel qu’exprimé dans ce document fondamental, pour un +État de droit et une Nation puissante et prospère, fondée sur une véritable démocratie politique, économique, sociale et culturelle+ », rappellent-ils.

Cependant, ses premiers bénéficiaires ont complètement ignoré l’évènement. Ils ont continué à faire la propagande du dialogue qui passe désormais pour le « salut » de la RDC. En plus du silence, les officiels Congolais ont brillé par leur indifférence, la semaine dernière, au Colloque international, seul évènement de haute portée scientifique, organisé autour de la Constitution de la République.

L’objectif de ce colloque était de sensibiliser les acteurs politiques à développer la culture du respect de la Constitution. Il a suffi d’assigner à ces échanges scientifiques un tel objectif pour effrayer tous les officiels.

Aucun d’eux n’a répondu à l’invitation des organisateurs, la faculté de droit de l’Université de Kinshasa et l’Institut pour la démocratie, la gouvernance, la paix et le développement en Afrique (IDGPA). Même le recteur de l’Université de Kinshasa a préféré sacrifier la science au diktat de ses parrains politiques.

Tripatouillage de la Constitution

Rien ne peut justifier une telle attitude des dirigeants congolais si ce n’est leur volonté de modifier les prescrits de la loi suprême, à défaut de la changer carrément dans l’ultime objectif d’assurer une présidence à vie à leur autorité morale. Aussi l’idée d’un référendum sur la Constitution a-t-il été plus d’une fois défendue par les cadres du parti présidentiel, le PPRD.

Face à ce projet de changement des règles du jeu en plein processus électoral, toutes les institutions de la République se sont mises au pas de la Majorité présidentielle. Le gouvernement n’a jamais mis à disposition les financements nécessaires arrêtés dans les budgets nationaux depuis 2012. Le Parlement tergiverse et refuse d’apprêter toutes les lois inhérentes à la tenue des élections dans les délais constitutionnels. Ce, pour éviter à tout prix l’alternance au sommet de l’État le 20 décembre 2016.

Quant à la Céni, elle refuse d’être indépendante conformément à la Constitution et s’est mise sous la férule de la famille politique du chef de l’État. Ainsi, l’expertise acquise depuis la tenue de deux élections n’est pas mise au service pour accélérer le processus électoral.

C’est dans ce contexte que la RDC est suspendue à la tenue d’un dialogue national inclusif, à quelques mois de la fin du deuxième et dernier quinquennat de l’actuel président de la République. La Constitution lui interdit de briguer un troisième mandat. Mais sa famille politique estime que, tant que les élections ne seront pas organisées le chef de l’État, occupera son fauteuil.

À cette question, le professeur André Mbata, constitutionaliste et organisateur du colloque international sur la Constitution, a répondu sèchement : « C’est vrai que la Constitution stipule : Le président sortant reste en place jusqu’à l’installation du président élu ».

Cela, dans le respect des délais constitutionnels. Jamais la Constitution n’a prévu que le président sortant doit rester en fonction jusqu’à l’élection du nouveau chef de l’État. Il faut éviter de faire une mauvaise lecture de la loi fondamentale du pays qui se veut sacrée. Le silence et l’indifférence des autorités congolaises face à ce 10ème anniversaire de leur Constitution étonne plus d’une personne.