RDC: l’indifférence du pouvoir étonne

22 février 2016

RDC: l’indifférence du pouvoir étonne

Le professeur André Mbata brandit la Constitution de la RDC
Le professeur André Mbata brandit la Constitution de la RDC

« La vérité est têtue ». Sinon, qu’est-ce qui peut vraiment justifier le silence, plutôt assourdissant, de la classe dirigeante à l’occasion du dixième anniversaire de la Constitution de la République ?

À peine une décennie (18 février 2006-18 février 2016), la loi suprême de la République est orpheline. Aucune déclaration officielle n’a été faite pour célébrer la Constitution votée massivement par le peuple congolais. A la place du peuple congolais, les chefs des Missions diplomatiques accrédités en RDC sont montés au créneau pour célébrer les dix ans de la Constitution congolaise.

« La constitution est le fruit de longues négociations et de compromis entre un large éventail de parties prenantes congolaises, puis endossée par une forte majorité de la population dans un élan d’expression de volonté nationale, et promulguée par le Président de la République », indique-t-ils dans un communiqué, publié jeudi 18 février 2016.

Les Ambassadeurs Michel Lastschenko de la Belgique, Ginette Martin du Canada, James Swan des États-Unis et Graham Zebedee du Royaume-Uni, tous accrédités en RDC, considèrent que la Constitution est un « texte visionnaire » qui consacre le souhait des congolais d’être gouvernés « selon les normes démocratiques après avoir souffert des décennies sous un régime de parti unique, décennies qui se sont terminées par une période de grande turbulence politique et de conflits violents ».

« Expression intemporelle des valeurs »

« Nous félicitons le peuple congolais pour le 10ème anniversaire de la promulgation de la Constitution fondée sur un consensus national et l’expression intemporelle des valeurs communes d’un peuple », ont-ils déclaré dans leur document signé conjointement.

« Nous partageons l’espoir des congolais tel qu’exprimé dans ce document fondamental, pour un +État de droit et une Nation puissante et prospère, fondée sur une véritable démocratie politique, économique, sociale et culturelle+ », rappellent-ils.

Cependant, ses premiers bénéficiaires ont complètement ignoré l’évènement. Ils ont continué à faire la propagande du dialogue qui passe désormais pour le « salut » de la RDC. En plus du silence, les officiels Congolais ont brillé par leur indifférence, la semaine dernière, au Colloque international, seul évènement de haute portée scientifique, organisé autour de la Constitution de la République.

L’objectif de ce colloque était de sensibiliser les acteurs politiques à développer la culture du respect de la Constitution. Il a suffi d’assigner à ces échanges scientifiques un tel objectif pour effrayer tous les officiels.

Aucun d’eux n’a répondu à l’invitation des organisateurs, la faculté de droit de l’Université de Kinshasa et l’Institut pour la démocratie, la gouvernance, la paix et le développement en Afrique (IDGPA). Même le recteur de l’Université de Kinshasa a préféré sacrifier la science au diktat de ses parrains politiques.

Tripatouillage de la Constitution

Rien ne peut justifier une telle attitude des dirigeants congolais si ce n’est leur volonté de modifier les prescrits de la loi suprême, à défaut de la changer carrément dans l’ultime objectif d’assurer une présidence à vie à leur autorité morale. Aussi l’idée d’un référendum sur la Constitution a-t-il été plus d’une fois défendue par les cadres du parti présidentiel, le PPRD.

Face à ce projet de changement des règles du jeu en plein processus électoral, toutes les institutions de la République se sont mises au pas de la Majorité présidentielle. Le gouvernement n’a jamais mis à disposition les financements nécessaires arrêtés dans les budgets nationaux depuis 2012. Le Parlement tergiverse et refuse d’apprêter toutes les lois inhérentes à la tenue des élections dans les délais constitutionnels. Ce, pour éviter à tout prix l’alternance au sommet de l’État le 20 décembre 2016.

Quant à la Céni, elle refuse d’être indépendante conformément à la Constitution et s’est mise sous la férule de la famille politique du chef de l’État. Ainsi, l’expertise acquise depuis la tenue de deux élections n’est pas mise au service pour accélérer le processus électoral.

C’est dans ce contexte que la RDC est suspendue à la tenue d’un dialogue national inclusif, à quelques mois de la fin du deuxième et dernier quinquennat de l’actuel président de la République. La Constitution lui interdit de briguer un troisième mandat. Mais sa famille politique estime que, tant que les élections ne seront pas organisées le chef de l’État, occupera son fauteuil.

À cette question, le professeur André Mbata, constitutionaliste et organisateur du colloque international sur la Constitution, a répondu sèchement : « C’est vrai que la Constitution stipule : Le président sortant reste en place jusqu’à l’installation du président élu ».

Cela, dans le respect des délais constitutionnels. Jamais la Constitution n’a prévu que le président sortant doit rester en fonction jusqu’à l’élection du nouveau chef de l’État. Il faut éviter de faire une mauvaise lecture de la loi fondamentale du pays qui se veut sacrée. Le silence et l’indifférence des autorités congolaises face à ce 10ème anniversaire de leur Constitution étonne plus d’une personne.

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