Affaire Jacques Mamba: entre « arrestation arbitraire » et « flagrance »

Article : Affaire Jacques Mamba: entre « arrestation arbitraire » et « flagrance »
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24 mai 2020

Affaire Jacques Mamba: entre « arrestation arbitraire » et « flagrance »

D’après l’extrait de rôle de la Cour de cassation, l’affaire de flagrance sur la pétition controversée du député Jean-Jacques Mamba est renvoyée au 27 mai 2020, dans le but de permettre à Mamba, qui a soulevé des exceptions, de constituer son Conseil et de comparaître en toute décence.

Le Procureur général près la Cour de cassation a décidé, samedi 23 mai 2020, de la mise en résidence surveillée du député national Jean-Jacques Mamba. Il devra être jugé endéans trois jours calendaires, soit le 27 mai 2020. La décision est intervenue après que l’élu de la Lukunga ait été jugé en procédure de flagrance devant la Cour de cassation.

Dans l’opinion, les avis divergent quant aux poursuites judiciaires contre ce député couvert par les immunités parlementaires.

D’une part, des voix se sont levées pour dénoncer l’arrestation samedi, du député Mamba. Ce camp considère que l’arrestation d’un député est « arbitraire » et violerait la Constitution de la République.

« Ce modus operandi consiste à se servir des parquets et des juridictions pour régler les comptes de nature politicienne », a dénoncé samedi, la Dynamique chrétienne pour la défense des droits de l’homme et de l’environnement (DCDHE). Cette ONGDH rappelle à la Justice congolaise que, « la Cour de sûreté de l’État, qui avait cette mission de Police politique, a été abrogée par le Constituant de 2006 pour la raison de consolider l’État de droit et la liberté démocratique ».

Dans la même optique, la conférence des présidents des commissions de la Chambre basse du Parlement congolais ce sont réunis en urgence, le même samedi 23 mai, à la demande de la présidente de l.Assemblée nationale, Jeannine Mabunda. Un seul point était inscrit à l’ordre du jour: « l’arrestation arbitraire du député Jean-Jacques Mamba ».

Les députés membres de cette Conférence ont condamné l’arrestation « arbitraire » de leur collègue et considèrent que celle-ci violerait l’article 107 de la Constitution congolaise. Avant d’arguer que, « le député en exercice couvert par ses immunités ne peut être arrêté comme un malfrat ».

D’autre part, une certaine opinion, du moins les professionnel du Droit, pense qu’il s’agit d’un cas de flagrance. Et en pareille situation, un individu, député soit-il, devrait être poursuivi et traduit en justice.

Entre « flagrance » et « arrestation arbitraire »

En effet, le député Jean-Jacques Mamba du Mouvement de libération du Congo (MLC) a été arrêté à son domicile, samedi 23 mai 2020, sur ordre du Parquet général près la Cour de cassation.

Il est poursuivi pour « faux et usage de faux » relatif à une pétition qu’il a initiée en vue d’obtenir la déchéance de Jean-Marc Kabund, 1er vice-président du Bureau de l’Assemblée nationale.

Ensuite, le député Simon Mpiana Ntumba de l’Union pour la nation congolaise (UNC) de Vital Kamerhe, est monté au créneau. Il a porté plainte contre son collègue Jean Jacques Mamba, suite à la présence « frauduleuse » de son nom et de sa signature sur la liste des pétitionnaires qui veulent déchoir Jean-Marc Kabund, président a.i du parti au pouvoir, l’UDPS.

« C’est bien encadré, c’est bien limité »

D’aucuns soutiennent qu’une jurisprudence constante de la Cour de cassation, sous le règne de l’ancien régime de la RDC, l’article 107 de la Constitution a été appliqué avec « diligence, célérité et vigueur » pour juger, arrêter et envoyer en rééducation 4 députés nationaux.

Il s’agit de Gérard Mulumba Gecoco, Franck Diongo, Né Mwanda Nsemi, Eugène Diomi Ndongala et Jean Bertrand Ewanga.

Les immunités parlementaires, telles que le prévoit l’article 107 de la Constitution, sont « encadrées et limitées ».

Les jurisprudences constantes de la Cour de cassation indiquent que les immunités parlementaires ne consacrent pas l’impunité.

Mais, « elles ont pour but de permettre au parlementaire de travailler dans des bonnes conditions sans être inquiété au cours d’un débat parlementaire en plénière. En effet, lorsqu’un député demande la parole pour donner son opinion, on ne peut pas le poursuivre en justice parce pour ce qu’il a dit. Cela peut se faire également dans le cadre d’une commission parlementaire. Là, c’est l’exercice de son mandat en tant que parlementaire. C’est bien encadré, c’est bien limité », a expliqué Me David Beylard, dans une tribune qu’il a publiée sur sa page facebook.

« En dehors de ce cadre, ajoute-t-il, un député, qui enfreint la loi, peut être poursuivi en justice ».

Jean Jacques Mamba piégé ?

Les parlementaires devraient être très prudents s’ils veulent émettre des avis ou des opinions en dehors du travail parlementaire, au risque de commettre des infractions.

Car, l’immunité ne joue pleinement qu’en plénière ou en commission. En dehors de ce cadre, si un député national fait des déclarations diffamatoires ou injurieuses, par exemple, ses immunités tombent et il sera poursuivi.

Par ailleurs, le Procureur général près la Cour de cassation devrait faire son travail en toute indépendance en vertu du principe de séparation des pouvoirs. Il ne devrait pas céder aux intimidations et à la pression des caciques de l’ancien régime qui ne jurent que par l’échec du quinquennat du président Félix Tshisekedi.

Ces individus ont, à l’époque, jeté l’opprobre à la justice congolaise en instrumentalisant, notamment, son administration pour les faibles et sans défense.

Franck Diongo, alors député national, avait été arrêté, violenté et jugé sur une civière hospitalière pour des chefs d’accusations « fantaisistes » (outrage au Chef de l’État ; atteinte à la sécurité de l’État…), avec des perfusions du sang et de substances chimiques.

Il évoque le cas de la « naïveté politique » du député national Jean Jacques Mamba, qui s’est fait « piégé ».

Selon ses propres propos sur Top Congo, le député Jean Jacques Mamba affirme n’avoir pas connaissance sur toutes les 62 signatures collectées pour sa pétition et que ses camarades du Front commun pour le Congo (FCC) lui auraient amené d’autres listes et d’autres noms.

« Comment pouvait-on lui amener les noms des gens qu’il n’a pas vus et prendre le devant ? », s’interroge Me David Beylard.

« En droit, c’est lui l’auteur car, il a initié la pétition en son propre nom », lui fait-il remarquer. « Vraiment c’est grave de voir un intellectuel accepter une responsabilité dont il ne sait même pas la source de provenance », s’est exclamé David Beylard.

En outre, on ne devrait pas perdre de vue que le FCC est dans sa stratégie d’exposer les « faibles d’esprit » et autres assoiffés d’argent pour faire échec à la bonne marche des institutions du pays.

La politique est dynamique et un jeu des grands. Aux autres d’en tirer leçon. Entre ceux qui soutiennent la thèse de l’arrestation arbitraire et ne jurent que par la cessation des poursuites contre le député Mamba, et ceux qui évoquent la flagrance, qui des deux camps l’emporteront. Wait and see.

Par Stanislas Ntambwe

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