Papa Wemba, un géant de la musique congolaise

27 avril 2016

Papa Wemba, un géant de la musique congolaise

Papa Wemba au Festival, peu avant l'incident
Papa Wemba au Festival, peu avant l’incident

Passionné de la sape, Papa Wemba a marqué la musique par son oeuvre et sa voix particulière. Wemba est né sur scène à Kinshasa, il meurt sur scène à Abidjan.

Jules Shungu Wembadio, dit Papa Wemba, est né le 14 juin 1949 à Lubefu, dans l’ex province du Kasaï Oriental, en République démocratique du Congo (RDC). Appelé communément, Pene Kikumba, vieux Bokoul, Kouru Yaka, Maître d’école…, Papa Wemba est de la génération de Zaïko, celle-là même qui est à la base de l’émergence de la troisième grande ligne musicale au Zaïre.

Fils d’un ancien soldat de la force publique, c’est dans la carrière musicale, à l’âge de 20 ans, que Wembadio se fait remarquer. Il est auteur et compositeur de talent, chanteur très apprécié par les mélomanes congolais et étrangers. Dans son ouvrage « Dictionnaire des immortels de la musique congolaise moderne », Jean-Pierre François Nimy Nzonga soutient que la maman de Papa Wemba, « pleureuse de profession », peut être considérée comme l’élément détonateur de la vocation musicale de cet artiste.

En 1969, Wemba Shungu intègre le groupe Stukas Boys, au sein duquel il a composé sa première chanson inédite, « Madrigal ». Par la même occasion, il participe à la fondation de l’orchestre Zaïko.

Viva la Musica

Papa Wemba
Papa Wemba

En 1977, avant de créer « Viva la musica », Papa Wemba a créé, avec d’autres chanteurs, les groupes « Isifi Lokole et Yoka Lokole ». La star congolaise est aussi reconnue comme le « roi de la Sape » (Société des ambianceurs et des personnes élégantes) pour son goût prononcé à la mode. Il a ainsi imposé un style vestimentaire qui caractérise les amoureux de la bonne apparence. Il se résume par la formule : belle coiffure, bon parfum, habillement sophistiqué et goût effréné des vêtements de haute couture.

Devenant un model et une source d’inspiration pour de nombreux Kinois, Papa Wemba avait créé une représentation aussi symbolique qu’émotionnelle, autour de ce qu’il va nommer le « Village Molokaï ». Cet espace est la combinaison de cinq avenues du renommé quartier Matonge où il se fait introniser « chef coutumier ». Après avoir reçu plusieurs prix de la musique à travers le continent, Papa Wemba est décoré en décembre 2015, avec 90 autres opérateurs culturels, de la médaille du mérite des arts, science et lettres, par le ministère congolais de la Culture et des Arts.

« Chanteur jusqu’à ma mort »

PAPA WEMBA s'écroule sur scène
PAPA WEMBA s’écroule sur scène

De son vivant, le Kourou Yaka avait des rêves. Près de 50 ans de carrière musicale, Papa Wemba est l’une de grandes figures de la musique congolaise, le père de la Rumba. Surnommé formateur des idoles, il a servi de tremplin à plusieurs autres musiciens qui lui sont reconnaissants. Le « maître d’école » aura vécu presque toute sa vie comme artiste musicien. Il se définissait moins comme cinéaste, malgré ses multiples interventions dans différents courts et longs métrages dont le célèbre « La vie est belle ».

« Je ne prendrai jamais de retraite. Je souhaiterais rester chanteur jusqu’à ma mort. Je me verrai très mal embrasser une autre carrière. Car, je me sentirais très mal dans cette peau », a-t-il déclaré dans l’une des émissions à la radio Okapi.

« Il y a deux semaines, Papa Wemba a annoncé qu’il voulait mourir sur scène. Son vœu s’est réalisé », a affirmé A’Salfo, le chanteur de Magic System, commissaire général du Festival des musiques urbaines d’Anoumabo (FEMUA).

Après la disparition terrestre de King Kester Emeneya, Tabu Ley Rochereau, Pépé Ndombe Opetun, Madilu, Bimi Ombale, Mbuta Mashakado, Debaba, Pépé Kale, Lwambo Makiadi… et aujourd’hui Papa Wemba, crée un grand vide se crée au sein de la famille musicale congolaise.

Tel un soldat au front, à 66 ans Papa wemba est décédé dimanche 24 avril à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Alors qu’il jouait et participait comme parrain à la 9e édition du FEMUA, organisé par le groupe Magic système, Papa Wemba quitte définitivement la scène, laissant derrière lui une veuve, Maria Rosa alias Amazone, qu’il n’a jamais voulu quitter depuis plus de quarante ans d’union conjugale ainsi que des nombreux enfants et petits-enfants.

Comme Molière

Papa Wemba entre donc dans l’histoire comme Molière qui, le 17 février 1673, est mort suite à un malaise, après avoir joué l’acte 3 de sa pièce « Le malade imaginaire ». Comme Molière, Papa Wemba s’est écroulé après avoir chanté 3 titres. Comme Molière qui avait refusé d’annuler le spectacle alors qu’il était malade, Papa Wemba ne se sentait pas bien avant de monter sur scène. Il était encore en convalescence.

 Polémique

Fin février dernier, il est resté dans le coma durant trois jours, dans un centre hospitalier de Paris, suite à une crise de malaria cérébrale. Arrivé à Abidjan, mercredi 20 avril, il enchaîne avec les interviews et autres mises en scène. 15 minutes avant de monter sur scène, il paraît anxieux, nerveux et refuse les photos. Il se pompe une sorte de ventoline au nez. À 5h 10′, il commence la scène dans une salle suffocante. À 5 h 24′, il recule comme pour faire place aux danseuses. Micro en main, l’immense ombre vacille, se penche et s’écroule tel un baobab, mais sans faire de bruit.

C’est à ce niveau que la négligence, l’inconscience et l’incompétence crèvent les yeux. Quand on voit un secouriste de la Croix-Rouge arriver sans défibrillateur, et qui de surcroît, ignore l’acte élémentaire qui est le massage cardiaque, on retourne à l’époque de la prestidigitation du siècle de Molière.

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