Colombes blanches ou vautours masqués ?

20 août 2014

Colombes blanches ou vautours masqués ?

Un agent de Police routière interpelle un conducteur sur le Bvd du 30 juin, à Kinshasa
Un agent de la police routière interpelle un conducteur sur le bd du 30 juin, à Kinshasa

Dirigeants politiques suspectés, hommes d’affaires peu scrupuleux, citoyens rançonnés… La corruption. C’est encore elle qui nous préoccupe ce jour. C’est de cela que je veux parler. Car, ce vice, cette antivaleur enracinée dans le quotidien social,  on en a parlé. Mais, ce fléau a la peau dure comme celle d’un caïman. 

La lutte contre la corruption est loin d’être gagnée dans les pays d’Afrique subsaharienne. Pire encore, en République démocratique du Congo (RDC), nul ne peut s’engager sur la voie du combat contre la corruption et en sortir indemne. On essuie des menaces de toutes parts, au risque d’y laisser des plumes.

Des faits saillants

« Quand un policier m’ordonne de m’arrêter, dit un conducteur de taxi-bus, j’envoie le receveur lui remettre les documents du véhicule avec quelques billets de banque. Le policier remet alors les papiers et dit : « +On est ensemble+. »

Un autre habitant de Kinshasa renseigne qu’« à la fin d’un mois, j’étais en retard pour payer ma facture d’électricité. Un agent de la Société nationale d’électricité est venu chez moi pour couper le courant. Nous avons négocié, je lui ai donné 2 000 francs congolais, il a déchiré l’avis de coupure ».

Un jour, un agent de la Regideso s’amène chez moi avec un avis de coupure d’eau entre ses mains et me le brandit. Comme je ne pouvais pas supporter cette coupure inattendue d’eau, alors que j’avais des arriérés, j’ai sollicité l’indulgence de l’agent en lui demandant si  je pouvais passer le lendemain au bureau  pour payer.

 » Pour aujourd’hui, je vais procéder à la coupure et quand vous irez au bureau, non seulement vous payerez les factures non payées mais aussi, les indemnités « , me lance l’agent plus que sérieux.   » Ou si tu veux, tu me libères « , ajoute-t-il après m’avoir observé quelques minutes.

Je sors de ma poche 1000 francs congolais, l’équivalent d’un dollar américain, et lui glisse dans la main. Tout souriant, non seulement l’homme renonce à la coupure, mais il me fait encore une proposition :  » Nous avons une technique qui consiste à réduire à 70 %, le comptage de la consommation mensuelle d’eau. Je peux le faire pour vous, moyennant 15 dollars américains. Désormais, votre compteur indiquera moins que ce que vous avez consommé « .

Ces petites scènes de corruption ordinaire sont assez éloquentes pour nous édifier sur les méfaits de ce grand fléau qui gangrène notre société.

Alors, on se dit : tout le monde le fait, pourquoi pas moi ?

Dans notre pays, les effets de la corruption sont visibles. Plus que visibles, ils sont néfastes. Qu’il s’agisse de la «grande » ou de la « petite » corruption, elle avilit l’homme congolais. Et les pauvres sont les premières victimes. Sinon, comment comprendre que le beau-frère du chauffeur de la copine d’un ministre construise, en seulement six mois, un immeuble de trois niveaux ! Dire qu’il est en chômage depuis tout ce temps ne fait qu’étonner.

Finalement, nous vivons une époque de « retour en arrière ». Malgré une mobilisation de plus en plus forte, la lutte est loin d’être gagnée. Avec des changements intempestifs des régimes, dans beaucoup d’Etats, les méthodes ont simplement changé. Mais le contenu, lui, demeure le même.

On le sait. Les premiers jalons de lutte contre la corruption ont été posés dans les années 1990, avec la création de Transparency International. Et plus tard, parallèlement avec des ONG comme Human Rights Watch ou Global Witness, dont le but est de combattre l’opacité des transactions financières liées à l’exploitation des ressources naturelles.

Mais, comme s’est interrogé Jeune Afrique en 2009, ces ONG, sont-elles des colombes blanches ou des vautours masqués ? Affaire à suivre.

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