Tshikapa : le centre de santé Lumuka, un mouroir potentiel d’enfants malnutris

1 février 2018

Tshikapa : le centre de santé Lumuka, un mouroir potentiel d’enfants malnutris

Au moins 173 enfants souffrant de la malnutrition sont traités au centre de santé Lumuka, situé à Tshikapa dans la province du Kasaï. Cela avec l’appui du Programme alimentaire mondial (PAM). Ces enfants de moins de cinq ans souffrent de la malnutrition aiguë sévère. Une intervention rapide est vivement souhaitée pour ne pas allonger inutilement la liste des cas de décès.

La sécurité alimentaire, à plus long terme, dans le Kasaï, doit être rétablie et les pratiques d’alimentation et de soins améliorées, afin que les enfants puissent avoir accès à la nourriture de qualité dont ils ont besoin. Les humanitaires qui voudraient intervenir ont d’ailleurs besoin de 1,68 milliard de dollars américains.

La mission qui a conduit une équipe de la presse de Kinshasa, du 8 au 11 janvier 2018, à Tshikapa (dans la province du Kasaï) pour évaluer la situation humanitaire, a permis de visiter le centre de santé Lumuka qui traite la malnutrition des enfants, des femmes enceintes et allaitantes.

Il convient de signaler que, dans la seule zone de santé de Kanzala (à Tshikapa-centre), au moins 3 000 enfants malnutris y sont admis, alors que les intrants pour les traiter font défaut.

Au centre de santé Lumuka, dans l’aire de santé Sammy I-Kanzala, situé dans le quartier Sammy II en plein centre-ville de Tshikapa (province du Kasaï), au moins 173 enfants souffrant de la malnutrition modérée sont traités avec l’appui du Programme alimentaire mondial (PAM), en collaboration avec l’ONG ADRA. Ces enfants trouvés sur place et, pour la plupart, des déplacés, affichent une santé qui laisse à désirer. D’après le responsable de ce centre de santé, Eric Lumu, plusieurs autres enfants sont dépistés chaque jour. Mais « il n’y a pas d’intrants », a-t-il déploré

Un témoignage qui fait pleurer

Annie Beleshayi, une jeune fille rencontrée au centre de santé Lumuka et qui, manifestement, présente des signes graves de malnutrition, nous raconte comment elle est arrivée ici. « Ma mère a été tuée pendant les affrontements entre les militaires et la milice Kamuina Nsapu. Mon père, ma jeune sœur (1 an) et moi avions fui vers Tshikapa. Mais arrivés à Shakafutshi (un village tchokwe situé sur le tronçon Tshikapa-Kamonia), mon père a été lui aussi égorgé par les Tchokwe », a confié Annie Beleshayi avec des larmes aux yeux.

Cette jeune fille de 10 ans, dit avoir effectué 65 Km jusqu’à Tshikapa, portant sa jeune sœur au dos. Traumatisée et visiblement abattue, Annie Beleshayi garde encore le souvenir de la mort tragique de son père. À ce jour, elle suit le traitement contre la malnutrition dont elle souffre au centre de santé Lumuka.

La situation d’Annie Beleshayi est un cas parmi tant d’autres dans les deux provinces du Kasaï, cruellement secouées par des violences tribales, opposant les communautés Luba à celles de Tchokwe et Pende. Mais aussi, par le conflit armé entre la milice Kamuina Nsapu et les forces de l’ordre de la RDC.

Au-delà des enfants, plus de 200 femmes enceintes et allaitantes souffrant aussi de la malnutrition sont également traitées dans le centre de santé Lumuka. Léon Mukenge, le chef du quartier Sammy II dans lequel se trouve ce centre dit avoir enregistré « 2 705 personnes dont plusieurs enfants » dans sa juridiction.

La passivité des autorités

« Ces personnes peinent à trouver leur pain quotidien. Je demande aux autorités et les ONG de venir au secours à cette population de Sami 2 en détresse qui manque à manger, à boire, de quoi se vêtir et se faire soigner. Aux centres de santé, les enfants malnutris ne sont pas bien servis à cause de l’insuffisance de produits. Le corps médical qui reçoit ces enfants n’est pas bien payé et ils manquent même des lits dans leurs établissements pour héberger les patients », a lancé Léon Mukenge.

Interrogé sur une éventuelle assistance des victimes par les autorités provinciales, Léon Mukenge affirme : « J’ai écrit à plusieurs reprises aux autorités hiérarchiques compétentes pour leur faire part de la situation. Mais, à ce jour, aucune réponse n’a été réservée à mes correspondances, même dans le sens d’apporter un appui à ces déplacés », a-t-il répondu sans ambages.

Une réponse urgente s’impose

Les conditions sanitaires de ce centre de santé renseignent sur la majorité d’autres centres et établissements hospitaliers dans l’ensemble de l’espace Kasaï après les conflits. Il faut reconnaître qu’avant ces conflits, les deux Kasaï étaient exposés aux sérieux problèmes d’insécurité alimentaire. Mais, c’est pendant et après les conflits que la situation a empiré avec des chiffres inquiétants. L’état nutritionnel des enfants est particulièrement critique dans la région. Selon l’Unicef, « au moins 400 000 enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë sévère ».

Pour le représentant par intérim de l’Unicef en RDC, Tajudeen Oyewale, « à moins de recevoir de toute urgence une aide en matière de santé, d’eau, d’assainissement et de nutrition, ces enfants risquent de mourir. »

Dans un communiqué conjoint publié mercredi 17 janvier à Kinshasa, le PAM, l’Unicef et la FAO ont tiré la sonnette d’alarme sur la nécessité de « nourrir la population du Kasaï, combattre la malnutrition parmi ses enfants et renforcer la résilience ». Mais ils sont butés à plusieurs obstacles : « Infrastructures limitées, sécurité médiocre et moyens financiers insuffisants », ont dénoncé les trois agences onusiennes.

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