Goma: le conflit Hutu-Nande s’exporte à l’université!

22 mars 2016

Goma: le conflit Hutu-Nande s’exporte à l’université!

Bâtiment de l'Université de Goma
Bâtiment de l’Université de Goma

Le conflit entre deux Communautés au Nord-Kivu, dégénère et s’invite dans les milieux estudiantins. Plusieurs bureaux de l’université de Goma ont été brûlés et plusieurs personnes blessées, mardi 22 mars 2016 à Goma, au Nord-Kivu.

« Une centaine de personnes ont fait irruption ce matin au campus de l’Université de Goma. Ces personnes ont brûlé des bureaux dont le mien et blessé des étudiants et quelques membres du personnel académique », a affirmé Dénis Nahayo, président des étudiants de l’université de Goma.

Il ajoute qu’« ils étaient armés des couteaux et des bidons d’essence. Ils ont blessé plusieurs personnes dont un chef de travaux qui est actuellement admis aux soins à l’Hôpital Général ».

La même source précise que les assaillants protestaient contre « l’absence des Nande à la tête de l’université et des instituts supérieurs à Goma. Ils estiment que les hutu prennent le contrôle de l’université au détriment d’autres communautés ». Ceci est tributaire aux récentes nominations du ministère de l’Enseignement supérieur et universitaire dans tous les établissements publics de la République

Acte prémédité ?

Selon nos sources à Goma, un des assaillants a enfermé dans une salle, d’autres étudiants pour y être asphyxiés, après avoir mis le feu. D’autres se sont mis à bruler des archives académiques. Tout semble être planifié. La fumée partout, le feu, la révolte, le sang mais également, la fuite et la peur. L’objectif de ces actes de vandalisme reste un mystère.

Des présumés auteurs des troubles interpellés par la Police
Des présumés auteurs des troubles interpellés par la Police

Cet avec un grand retard que les agents de la Police vient atténuer la tension, en commençant par éteindre le feu, forcer les portes et aider les étudiants enfermés à se sauver. Le Campus du Lac loge dans ses locaux, plusieurs universités et institutions supérieurs. Notamment, l’ISTM, l’ISSNT, l’UNIGOM, l’ISTA, l’ISTOU…

« Nous étions prévenus que ces personnes viendraient ce matin et avons prévenu à notre tour la police, mais rien n’a été fait », se désolé Dénis Nahayo, déplorant plusieurs cas de blessures. D’après Thomas Kubuya, enseignant et autorité académique à l’Université de Goma, le conflit ethnique n’est qu’une partie du problème par rapport à ce qui s’est passé ce matin.

« A côte du conflit entre communautés, il y a depuis quelques temps un conflit ouvert entre les étudiants de l’Institut Supérieur des Techniques Appliquées (ISTA) et d’autres instituts supérieurs », a-t-il relevé. Thomas Kubuya présume que « ce qui s’est passé ce matin, c’est une sorte des représailles des étudiants de l’ISTA sur ceux de l’UNIGOM ».

Tireurs de ficelles

Un étudiant blessé
Un étudiant blessé

Aux dernières nouvelles, des présumés auteurs de ces actes (une quinzaine) ont été interpellés par la Police. Le samedi 19 mars 2016, il y avait également des échauffourées entre les deux camps. « Et aujourd’hui, ceux de l’ISTA sont venus se venger. Tout ceci sur fond des tensions interethniques », a-t-il fait savoir Kubuya.

Il sied de relever que depuis quelques mois, les Communautés Hutu et Nande, dans le territoire de Lubero (Nord-Kivu) se regardent en chiens de faïence. Après des consultations qu’il a entamées en février 2016 à Miriki avec ces deux groupes ethniques, le gouverneur de province, Julien Paluku avait accusé les rebelles des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), d’être à la base des violences observées entre les deux communautés. Cette accusation a été rejetée par les FDLR, alors que la Société civile de Lubero dénonçait des manœuvres politiciennes.

Une accalmie précaire était observée ces derniers jours à Lubero. Mais, semble-t-il, le fond de la question qui divise les deux communautés n’a pas encore été abordé. Ce qui laisse à penser que les violences pouvaient reprendre de plus belle à tout moment.

Pourtant, le vendredi 18 mars 2016, le gouverneur Paluku a déclaré qu’ « à l’issue de la restitution de différentes missions de sensibilisation à la cohabitation pacifique, le constat en général est qu’il n’y a pas de conflit inter ethnique au Nord-Kivu ». Toutefois, il a reconnu qu’ « il y a eu plutôt des tensions qui, si elles n’étaient pas bien gérées, pouvaient dégénérer ».

De son côté, l’opposant Vital Kamerhe, ancien président de l’Assemblée nationale et fils du terroir, a initié et conduit mardi 15 mars, un groupe de leaders influents du grand Kivu, en faisant le tour des institutions à Kinshasa pour rencontrer différentes personnalités. L’objectif était de convaincre tous ceux qui ont une parcelle de pouvoir, comme l’Etat congolais ou la Monusco, de mettre tout en œuvre pour anticiper un conflit latent susceptible de dégénérer en massacres.

Cependant, c’est au Nord-Kivu que Vital Kamerhe et son équipe sont le plus attendus. C’est là où ils doivent réunir leur réserve diplomatique pour amener Nande et Hutu à enterrer la hache de guerre et cohabiter pacifiquement.
La difficulté de la démarche de Kamerhe réside dans le fait que, pour parvenir à une solution durable dans cette région, il faut au préalable identifier les tireurs des ficelles de ce conflit. Or, ceux-ci sont tapis dans l’ombre, ils opèrent incognito. Les démasquer, relève d’une gageure et il faut disposer des moyens institutionnels pour y parvenir.

Nombre de ces tireurs de ficelles sont des personnages peu recommandables qui manipulent aussi les milices locales. Le Nord-Kivu en proie à la cruauté d’une kyrielle de groupes armés étrangers et nationaux. Certaines communautés locales ont leurs propres milices armées jusqu’aux dents.

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