La police congolaise s’équipe en matériel anti-émeute

29 janvier 2016

La police congolaise s’équipe en matériel anti-émeute

Matériel anti-émeute remis à la PNC
Matériel anti-émeute remis à la PNC

A l’approche des élections, initialement prévues en novembre 2016, la police congolaise renforce son arsenal de répression. Un choix qui pose question.

Alors que la Centrale Électorale (CENI) manque d’argent pour organiser des élections dans les délais prévus par la loi, le gouvernement congolais décide d’investir pour acquérir une véritable machine de répression au sein de la capitale. La question est sur toutes les lèvres : qui en est la cible?

Au cours de la cérémonie organisée mercredi à Kinshasa, du matériel et des équipements anti-émeutes, destinés à la gestion des foules lors d’éventuels troubles publics, ont été présentés au public et mis à la disposition de la police.
On parle notamment de cinq véhicules dotés de canons à eau, de cinq véhicules blindés lanceurs de grenades lacrymogènes ou assourdissantes, de cartouches d’impact, explosives, ou en caoutchouc, d’aérosols lacrymogènes, de fusils anti-émeute 38 mm, de lance-grenades anti-émeute multiple et de pistolets à impulsion électrique.
Hors-la-loi
Le vice-premier ministre en chargé de l’Intérieur et de la Sécurité, Evariste Boshab, a déclaré au cours de la cérémonie, qu’« aujourd’hui, la grande préoccupation, c’est à la fois de réprimer parce qu’il ne faut pas laisser la loi des hors-la-loi triompher sur la loi de la République et en même temps de faire en sorte que les droits fondamentaux du citoyen soient respectés. » Le matériel et les équipements ont été remis au commissaire général de la Police nationale du Congo, Charles Bisengimana.
Evariste Boshab a indiqué que « la théorie de la baïonnette intelligente est d’application au sein de la police congolaise », demandant au responsable de la police d’en « faire bon usage ». Selon lui, cette dotation est la preuve de la détermination du gouvernement congolais à « faire triompher l’Etat des droits ».
Charles Bisengimana a souligné qu’« il s’agit d’un premier lot de matériel ». Et qu’un deuxième lot « plus important » est attendu prochainement. « La police a toujours été accusée comme ne respectant pas les droits de l’Homme. Nous voulons utiliser un dispositif beaucoup plus préventif que répressif pour permettre à ce que nous puissions gérer correctement la foule sans occasionner des dégâts collatéraux ou tuer la population », a-t-il ajouté.
Pour certains, si cette « exhibition » s’étaient déroulés à Beni dans le Nord-Kivu, où plus d’un millier de Congolais a été massacré, on aurait pu comprendre les déclarations va-t-en-guerre d’Evariste Boshab. Mais, quand de tels propos sont tenus à Kinshasa, il y a de quoi s’interroger sur les vrais mobiles du « garant » de la sécurité des biens et des personnes.
Des observateurs craignent, déjà, un usage disproportionné de ces instruments, avec des bavures et des violations de droits de l’Homme.
La Monusco mise en cause
La dotation de ces équipements intervient au lendemain de la publication, par le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’Homme (BCNUDH) en RDC, le lundi 26 janvier 2016, d’un rapport indiquant une « augmentation significative » de 64% des cas de violations des droits de l’Homme entre 2014 et 2015.
« En 2015, le BCNUDH a documenté 3 877 violations des droits de l’Homme sur l’étendue du territoire de la RDC, ce qui représente une moyenne de plus de 323 violations par mois et une augmentation très significative de plus de 64% par rapport au nombre de violations enregistrées durant l’année 2014 (2 360 violations) », a affirmé mercredi, le directeur du BCNUDH en RDC, José Maria Aranaz.
Parmi les responsables de ces violations justement, le BCDUH pointe du doigt principalement les agents de la police congolaise, avec « 888 violations soit 23%, et les militaires des FARDC, avec 847 violations », en hausse aussi par rapport à 2014.
« Ce rapport n’est pas contradictoire. Il n’engage que ceux qui l’ont publié. Pour ma part, je donnerai mon point de vue dans les jours à venir parce que nous sommes en train d’analyser cas par cas. Il suffit qu’un militant des droits de l’Homme qui se trouve à Kasumbalesa appelle la Monusco pour dire qu’on a arrêté les gens abusivement, pour que ce cas soit comptabilisé », pense Evariste Boshab, qui a remis en cause cette méthode de comptabilité des statistiques de criminalité.
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